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TOUR D'ENFANCE

Quand j’étais petit je me rappelle que je voulais être Anquetil et le Tour de France a toujours exercé sur moi une vraie fascination ; des parfums d’épopées héroïques et de souvenirs d’enfance très forts.

Je me souviens de ma première rencontre avec le monde cycliste. C’était en 1960. J’avais 6 ans, j’étais l’aîné et je m’étais retrouvé dans la 203 noire de mon grand-père, coincé à l’arrière entre mon père et mon oncle Henri, devant Papet conduisait avec mon grand-oncle Louis à ses côtés. J’étais très excité  et fier à l’idée d’accompagner les grands, bien je que ne savait pas ce qui allait m’attendre. Partis aux aurores, nous nous sommes arrêtés sous des arbres dans un col pyrénéen, dont je serais incapable de vous donner le nom. Evidemment, il fallait attendre et pour un gamin de 6 ans, ce n’est pas le plus marrant.... Les grands eux avaient entamés les agapes, charcuterie, vin rouge. Il n’hésitez pas non plus à faire des comparaisons sur les produits échangés avec le voisinage... et l’ambiance se réchauffait... Ca devenait long, les visages s’empourpraient et moi je m’ennuyais... Puis tout à coup d’en dessous sont arrivés des bruits de klaxon, de musique et enfin des véhicules aussi bizarre que colorés et bruyants sont apparus. C’était la caravane du Tour avec tous ses trésors ; les chapeaux en papiers rectangulaires que l’on ouvrait par le milieu, les porte-clefs (j’ai gardé très longtemps un Bibendum Michelin), les bonbons, crécelles, trompettes, voitures plastiques..... une vraie caverne d’Ali Baba... Surement un des plus beaux jours de ma jeune vie. C’est ce jour là que j’ai eu mon chapeau d’indien ; tout en papier avec des plumesaux couleurs rutilantes dessinées avec précision ; il  me descendait jusqu’aux fesses... Je l’ai gardé de nombreuses années ; à la fin ce n’était plus qu’un bout de papier informe tenant grâce à des morceaux d’adhésif... 

Ce n’est que bien après que tard, les coureurs sont passés, mais je n’en avais plus que pour mon  nouveau trésor... je n’ai même pas vu Nencini, le maillot jaune. 

Ce n’est que quelques jours plus tard en regardant le miroir des Sports avec la photo de Rivière et en écoutant les commentaires de mon père et de mon grand-père que j’ai commencé à m’intéresser aux cyclistes. J’ai piqué la revue et regardé en boucle les photos... je l’ai conservée sur mon bureau jusqu’à ce que je quitte la maison et je me rappelle encore de certaines photos : « de la remontée du ravin, et de l’hélicoptère ». Plus tard, je suis même allé voir la stèle dans le col du Perjuret.

Les années qui ont suivi n’ont fait que renforcer cet engouement pour le Tour. En plus, c‘était l’été, synonyme des vacances. On allait bien sur à la plage, mais avec la radio…. et dès qu’il y avait une étape de montagne, les hommes restaient collés devant le petit écran noir et blanc... pas de plage ces jours là. De grands moments qui ont façonné ma passion. Mais aussi, des joies et de grandes déceptions. 

La plupart du temps après l’étape, je refaisais la course. Je me souviens de mes petits coureurs, j’en ai encore de cette période que j’avais moi même repeints. J’allais dans  «le salon des curés» comme l’appelé mon aïeul. Il y avait des petites tommettes rouges et j’avais l’autorisation de tracer à la craie mes parcours.... pour les cols, c’était l’escabeau dont je prenais les marches en travers en traçant des petits rectangles... et seul les nombres pairs permettaient d’y grimper... et oui, je faisais avancer mon peloton au gré des chiffres de mon dé… pas toujours aléatoires, il est vrai que parfois certains coureurs bénéficiaient d’une certaine magnanimité. Ce que j’aimais aussi c’était jouer à la plage avec mes circuits dans le sable, des billes et les petits coureurs.

Parfois, on se retrouvait avec les copains pour faire une partie de Tour de France au «basket» (c’est là où se trouve maintenant le hangar de la mairie et le matériel, chemin du Vigné. A cette époque c’est dans ce lieu que se déroulaient les bals, les concours de pétanque, nos matchs de foot....).

Dès mes onze ans, j’ai eu un vélo rouge demi course à trois vitesses. Et à partir de ce moment là nous délaissions les petits coureurs pour jouer nous mêmes aux champions. A l’époque il y avait les Anquetilistes et les Poulidoristes (la majorité)... Moi j’étais Anquetil. On démarrait du «Basket» direction la mairie, puis la traverse de l’usine (il n’y avait pas l’autoroute) on passait par les Cabanes sur la nationale pour tourner à droite devant l’ancienne gendarmerie et remonter par l’autre traverse ... le dernier raidillon à l’entrée du village m’a toujours été fatal et je ne me souviens pas avoir gagné une seule fois.... pauvre Anquetil.

Parfois aussi on montait la côte du Pla (le col du Pré de nos jours), c’était notre Tourmalet... et là encore je n’ai jamais été à la hauteur de mon idole, sauf une fois parce que je portais son maillot.... enfin presque.... Ce maillot parlons en : «Je devais avoir 12 ans... Toutes les semaines sur la place du café, la Maison Hillaire de Narbonne venait avec son camion vendre des vêtements ; en général je m’en souciais peu. Mais, un jour en passant devant, je vois un polo blanc avec un grand bandeau bleu pâle au milieu.... sans trainé je rentre et fais un gros caprice auprès de mes  parents pour avoir l’objet tant convoité, à leur grande incompréhension. Je finis  ainsi par l’avoir. Le soir dans ma chambre je customisais ce qui allait devenir ma tunique de Nessus ; mon père dessinateur aux Ponts et Chaussées avait de gros feutres, j’en pris donc un bleu. Ainsi équipé j’inscrivais au dessus du bandeau bleu et en grand «FORD» et dessous en plus petit «France»... devant et derrière. J’avais enfin le maillot de maître Jacques. C’est ainsi que le lendemain matin, j’arrivais le premier au Pla sous les applaudissements de tous mes fans virtuels... Par contre le soir les applaudissements ne furent pas virtuels ; à la vue de mon œuvre mon père me retourna deux claques bien sonnantes et bien réelles... direction la chambre. Ma mère n’est jamais arrivée à faire revenir le polo dans son état normal... les traces de ma seule et unique victoire étaient devenues indélébiles... comme un signe.»

Par la suite, l’adolescence est arrivée et les courses sont devenues plus rares, tout autant que ma passion du Tour. Je préférais «courir les filles». Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard qu’installé dans la vie active et «papa» d’un garçon de 7 ans que m’est revenu la nostalgie de cette époque et l’envie de faire vivre la même chose à mon fils. C’est aussi à cette époque que je me suis acheté mon premier vélo : «un Lejeune gris, 12 vitesses, monté en Campagnolo»... d’autres suivront.

Je suis retourné sur le Tour, de nombreuses fois. Cette année encore, je suis monté à Pailhères. Le charme ne s’est jamais rompu ; je redeviens à chaque fois l’enfant de 6 ans qui avait découvert le Tour un jour d’été 1960.

La féérie des Tours de mon enfance est toujours bien vivante. Souvent quand je roule, je me prends à rêver que je suis seul devant, échappé, avec à mes trousses, Coppi, Bobet, Anquetil, Merckx, Hinault…. Et pour l’instant, ils ne m’ont pas rattrapé, le petit Jidé leur tient toujours la dragée haute, c’est ça la magie.

La magie du vélo

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