" HISTOIRE DE FITOU "
LA COMBE DE REMIOLS
Connu de rares pionniers locaux de la pierre sèche qui s’en transmettaient jalousement la connaissance, le « fascinant » aménagement lithique de la combe de Rémiols est en passe de sortir du cercle restreint des initiés et d’accéder à une certaine notoriété. Ce coup de projecteur sur un site fragile est il nécessairement un bien ?
Comme sur nombre de structures équivalentes qui excitent l’imagination, il s’est propagé beaucoup d'images naïves (village néolithique, site sacré, mystérieuse combe…) et formulé des hypothèses hasardeuses sur l’histoire et la fonction de cet ensemble (fortin, centre de triage frontalier des troupeaux transhumants…). La réalité probablement plus prosaïque n’enlève rien à l’espèce d’envoûtement opéré par ces lieux ni à la légitimité du rêve. Ni même d’ailleurs à celle de mystère puisque bien des questionnements restent en suspens tant qu’une étude approfondie du site n’aboutira pas.
A commencer par le nom qui apparaît pour la première fois dans une enquête de l’an 1300 sur les limites septentrionales du royaume de France, usque ad Capud planum de Ramyols. Le radical de ce nom ram conduit il vers un nom de personne, un ancien propriétaire des lieux comme le suggère la mémoire orale par cette autre appellation de Combe de Grégory ou bien doit on s’orienter vers un lieu boisé (rama, ramèl, ramada…) ou en rapport avec les troupeaux (camin ramader)... ?
Quoi qu’il en soit une lecture attentive du paysage et des structures lithiques apporte déjà des éléments de réponse. La combe de Rémiols est une fracture géologique d’orientation et de pendage Ouest-Est dans le plateau de la Serre du Buis dont les garrigues étaient réservées à la dépaissance des troupeaux et à de petites exploitations de chaufourniers. Les aménagements lithiques et fonciers de Rémiols se dressent à la croisée de deux combes pour profiter du maximum d’humidité drainée. Ils apparaissent comme un condensé en miniature, un microcosme, des différents types d’aménagement des sols que l’on peut rencontrer en garrigue. Clôturé par un immense mur de pierres dressé contre l’agression des troupeaux, le site qui s’étend sur un adret comprend, en fond de combes, des parcelles de terres arables et des enclos segmentés puis s’étage en terrasses où s’accrochent des rejetons d’anciens témoins de culture : amandier, olivier, figuier, vigne… un emplacement pour rucher, une capitelle orpheline d’un maître des lieux.
Cet ensemble est il l’œuvre de plusieurs générations comme semble l’attester le large éventail de céramiques en majorité d’époque moderne mais aussi médiévale ou bien doit-on sa facture monumentale à un espèce de « facteur cheval » fitounais ? La solidité et le bel équilibre des murettes prônent pour un abandon relativement récent vers le début du XXe siècle.
Si l’homme peut se connaître comme un être dans l’Histoire qui laisse derrière lui du témoignage, il apparaît plutôt ici comme un être géographique qui grave (gê-graphein) son territoire, qui se construit davantage dans son rapport à l’étendue qu'à la temporalité, le temps immuable des garrigues. L’homme de Rémiols n’est pas un nomade, un passant qui s’efface devant la formidable puissance du milieu; il crée sa niche dans laquelle il entend vivre, son œkoumène, comme un coin enfoncé dans la minéralité hostile du plateau. Un coin de bois dur qui prend racine et fleurit, dans une ultime tentative d’une mise en valeur des terres en limite ouest du finage fitounais. Nature jardinée, humanisée, Rémiols est devenu un lieu par la part d’humanité qu’il a reçu, par toutes ses projections symboliques inscrites dans la pierre, qui expriment, et c’est en cela qu’il est fascinant, une vitalité, un art, une écriture, une mémoire… l’objet choyé d’un véritable acte cosmogonique.