" HISTOIRE DE FITOU "
DE LA SEPTIMANIE AU XXème SIECLE
FITOU, pays d'invasion
La partie de la province qui correspond aux départements des Pyrénées-Orientales, de l’Aude, du Gard et de l’Hérault devient la Septimanie en 419. Fitou est donc comprise dans cette partie de territoire et va donc subir le contrecoup des événements qui vont s’y succéder. La langue parlée était la langue romane où le « oui » était prononcé « oc » ce qui a donné la langue d’oc et bientôt le nom de la province « Languedoc » dont l’usage se généralisa surtout à partir du 13ème siècle.
En 508 Gondebaud, roi des Bourguignons prend la ville de Narbonne qui dès 509 est reprise par Ibas. En 511 les Goths et les Wisigoths choisissent cette même ville pour capitale de leur royaume. En 531, Narbonne et sa région sont le siège d’une bataille entre Childebert 1er, fils de Clovis roi de Paris et Amalric roi des Wisigoths qui avait épousé une fille de Clovis. Vaincu, Amalric mourut en cette même année et Narbonne fut livrée au pillage. En 582 puis en 584, la peste décime la région Narbonnaise. En 673, la ville de Narbonne est assiégée par Wamba roi des Wisigoths d’Espagne. En 711, c’est la fin du royaume de ces Wisigoths.
La région de Septimanie en général et la région de Narbonne en particulier eurent à souffrir des nombreuses incursions des Sarrazins. Ceux là même qui en 720 apportèrent la lèpre qui y causa d’énormes ravages et ce jusqu’en 1550. Une léproserie fut même installée à Fitou à l’ancien établissement hospitalier romain du Pla. A partir de 1550 elle diminua sans cesse pour disparaître entièrement en 1624. La chapelle de Saint-Aubin remplaça la léproserie ; les habitants s’y rendant en pèlerinage.
C’est en 720 que le général Sarrazin Zamo s’empara de Narbonne dont les habitants furent massacrés . Le duc d’Eudes infligea une défaite aux sarrazins à la première bataille de la Berre aux environs de Sigean en 721 et délivra Narbonne. Charles Martel fini par les écraser en 732 à la deuxième bataille de la Berre à Sigean. En 739, la Septimanie se soumis à Pépin et à Charlemagne. En 822, Charles le Débonnaire donne à l’abbaye d’Aniane le bénéfice des Salines situées dans le comté de Narbonne sur les côtes de la méditerranée. En 1018, les sarrazins reviennent faire le siège de Narbonne, après avoir débarqué sur les côtes. Ils sont défaits et se retirent définitivement en Espagne.
Pour l'européen du Moyen-Age, le sarrazin est surtout le guerrier musulman. Celui que Charles Martel repousse à Poitiers . Celui que Charlemagne va combattre en Espagne dans l'expédition qui verra la mort de son neveu Roland. Quant ils arrivèrent en terre sainte, les chevaliers chrétiens eurent à combattre des guerriers sarrazins plus légèrement armés, plus rapides et surtout plus habitués qu'eux aux rigueurs du climat oriental. Combattant souvent à cheval et par petits groupes, les sarrazins, armés de javelots, de sabres et d'arcs harcèlent les lourds croisés peu mobiles, infligeant de lourdes pertes.
LA SEPTIMANIE : origine du nom
C'est grâce à une lettre de l'évêque "gallo-romain" Sidoine Apollinaire, datée de 472 (SIDOINE, Lettres, livre III, I, 4), que l’on trouve pour la première fois dans l’histoire citée l'expression « ma Septimanie ». Sidoine Apollinaire, (Caius Sollius Sidonius Apollinaris) vécu du 5 Novembre 430 au 21 Août 483.Sidoine a laissé 147 lettres et vingt-quatre poésies qui nous sont parvenues et qui furent admirés jusqu'à la Renaissance pour la qualité de la langue latine.
On désignait alors par Septimanie, l'ancienne province Gallo-Romaine (Narbonnaise première) occupée par la Septième légion romaine, ce nom pouvant aussi provenir des sept villes qui furent attribuées en garnison à cette légion, savoir : Toulouse, Béziers, Nîmes. Agde, Maguelone, Lodève et Uzès.La province Narbonnaise était la plus importante des 7 provinces romaines, elle fut gouvernée sous les Romains jusqu'à la fin du IVe Siècle par un proconsul, Narbonne devint alors le siège d'un président qui succéda au proconsul.
Contrairement à ce que certains prétendent, les sept villes de garnison n'étaient pas toutes, à cette époque, le siège d'un évêché. Magelone ne le sera qu'au VIe siècle. Pour valider leur argumentation les actuels locataires de l'hôtel de Région nous donnent en référence une autre liste de villes pour définir l'ancien territoire de la Septimanie :Elne, Agde, Narbonne, Lodève, Béziers, Maguelone et Nîmes.Ces limites colleraient, d'après eux, beaucoup plus précisément à une réalité géographique que celles des deux anciennes régions "Languedoc et Roussillon".Nous remarquons que, Elne, est proposée en « remplacement » de Toulouse de façon "cavalière". Son évêché ne sera fondé qu’au VIe siècle… bien après le récit de Sidoine Apollinaire.
Les deux hypothèses ne sont pas évidentes, les raisons du nombre sept resteront certainement pour toujours une énigme, pous se faire une idée sur ce qu'était la Septimanie dans la tête de Sidoine Apollinaire remontons le cours de l’histoire... tout dépend de l'époque à laquelle nous faisons référence... La Narbonnaise Romaine comprenait bel et bien Toulouse, mais fin 418 ou début 419, les wisigoths alors en Espagne passent les Pyrénées et s'emparent du Toulousain, de l'Agenais, du Bordelais, du Périgord, de la Saintonge, de l'Aunis, de l'Augounois et du Poitou. Plus tard en 462 Narbonne et une grande partie de la Narbonnaise sera cédée aux Wisigoths par l'empereur Severe.
La Septimanie Gallo-Romaine est quasiment démembrée en 472, période de la lettre d'Apollinaire. Ce dernier, évêque de Clermont, se trouvait seul dans sa province les autres évêques étant déjà sous la domination Wisigothe.L'année suivante, Clermont est assiégée par les Wisigoths, la ville est défendue par les Bourguignons et ses habitants avec le soutien actif de leur évêque. Sur le point de se rendre ils sont sauvés par le général Ecdice, (fils de l'Empereur Romain Avitus, et par conséquent beau frère de Sidoine Apollinaire), qui trouve le moyen de pénétrer dans la ville à travers les lignes Wisigothes, ces renforts obligeant Euric, leur chef, à lever le siège.
En 452 Sidoine Apollinaire, rend visite à Tonance Ferréol ancien Préfet des Gaules probablement natif de Nîmes, des lettres nous narrent des moments passés ; une précision, la région n'est pas encore occupée par les Wisigoths :
« Ferreol faisoit sa demeure ordinaire dans une de ses maisons de campagne appellée Prusian (Prusianus), et située sur les bords du Gardon dans le territoire de Nismes. La description qu'en fait Sidoine son allié, et la manière agréable avec laquelle il y fut reçu nous font également connoître la beauté de la situation de ce lieu et la politesse de Ferréol, avec celle des peuples de cette partie de la Narbonnoise qui n'étoit pas encore soûmise aux visigots. Sidoine l'éprouva dans le voiage qu'il fit à Nismes pour y voir cet ancien préfet, et le senateur Apollinaire son parent. L'un et l'autre voulant avoir le plaisir de le loger et de le divertir, le menerent dans leurs maisons de campagne situées aux environs de cette ville :Chacun l'invita tour à tour durant sept jours ; Ferréol dans sa belle maison de Prusian, et Apollinaire dans celle de Voroangus, où ils tàcherent de l'amuser agréablement, tantôt par les jeux et la bonne chère, tantôt par la promenade et le plaisir du bain, et enfin par la lecture et la conversation; et cela avec tant de politesse et une si grande ouverture de coeur, que Sidoine fut charmé des témoignages de leur amitié et des soins qu'ils se donnèrent pour lui faire goûter tous les plaisirs de la campagne. »
(Histoire Générale de Languedoc par Dom Vaissette)
Vingt ans plus tard Sidoine citera pour la première fois la Septimanie avec nostalgie, cette dernière ne pouvait donc être que Gallo-Romaine et cette région comprenait bien Toulouse !!! Il y aura par la suite la Septimanie Wisigothe (jusqu'à la fin de la période Mérovingienne avec la première invasion Sarrasine vers l'an 720), plus restreinte, elle n’avait plus grand-chose à voir avec son fondement, tout comme notre moderne région Languedoc-Roussillon. Changer un nom pour un autre aussi incertain quant à ses origines n’apporte rien à l’authenticité du label de notre région.
LA LIMITE FRONTALIERE
L'oppression sarrazine qui pesait sur la population espagnole, entraîna des migrations de population importantes en Septimanie. Aussi, dès le VIIème siècle a germé l'idée d'assurer deux gouvernements bien distincts. Si la désignation de Narbonne et de Barcelone ne posait aucune difficulté, il restait à délimiter les deux frontières.
Plutôt que les Pyrénées, le choix se porta sur la chaîne des Corbières. cette organisation voyait donc le jour dans le courant de l'année 815. Cette ligne de démarcation demeurera sans changement jusqu'au début du XIVème siécle.
Grâce à une enquête effectuée en 1300, nous pouvons connaître avec précision le tracé qui servit jadis de séparation. Les limites passaient légèrement plus au sud que celles existantes actuellement avec le Roussillon :
- prenant origine au point coté (Pc) 707 au massif de Montollieux,
- Pc 439, la Croix des Trois Seigneurs,
- Pc 406 à l'est de la combe de Ramiol,
- Pc 419,
- Pc 318,
- Pc 123, anciennement "la Devèze",
- Source de la Rigole de Salses, ou Font d'Extramar, au débouché sud du Malpas (alias"Pas de Salses"),
- chemin public de Narbonne à Perpignan (RN9),
- Grau St Ange (dit de Salses ou de St Laurent).
Au demeurant, ce partage arbitraire ne troubla en aucune manière les minorités ethniques ainsi rattachées au narbonnais. Cela entraîna néanmoins la disparition de l'appellation de lac ou étang de la Sordinière qui devient désormais étang de Leucate ou de Salses selon la position par rapport à la limite. En fait, cela sonnait le glas de la communauté des "Sordons" qui vivait, en bonne harmonie, sur le pourtour du lac antique.
Cela se révéla même, pour les gens de Salses et Saint-Laurent, comme un vol, une usurpation du patrimoine roussillonnais par ceux de Fitou et de Leucate. Haine ancestrale qui va se perpétuer puisque même au XVIIIème siécle des rixes sanglantes séviront entre Saint-Laurent et Leucate pour des emplacements de pêche.
En rouge l’ancienne limite, en rose celle actuelle, après révision.
e partage arbitraire provoquera tardivement une prise de conscience des roussillonnais. C'est ainsi qu'au début du XIVème siècle, Jacques 1er roi de Majorque va engager un procès devant la Cour de Justice de Narbonne en vue de recouvrir les terres qui étaient siennes avant 865 ; notamment le promontoire de Leucate et les deux châtellenies de Fitou et de Leucate. Deux enquêtes publiques précéderont la rectification de la frontière.
Entamée aux environ de 1300 cette procédure prendra encore plusieurs années. C'est pour cela qu'en 1322, le roi de Majorque, excédé, fit occuper par ses assujettis la rive nord du grau Saint Ange. Devant une telle provocation le roi de France se devait de répondre. Philippe le Bel se borna simplement à l'ouverture d'une nouvelle information. C'est ainsi qu'un compromis vit le jour en 1322. Il portait sur la définition de nouvelles limites plus au nord :
- Point côté (pc) 434, les croix des trois seigneurs,
- pc 243,
- pc 318,
- pc 245, col des Flûtes,
- pc 190, col des Arques,
- pc 128, Pech Redon,
- pc 52,
- ile de Vy (au milieu de l'étang)
- pc 2 (en face).
Ce même tracé sera maintenu en 1790 par l'Assemblée Constituante, lors de la division de la France en départements. On pourrait penser "beaucoup de bruit, pour peu de choses !". De même se trouvait aliénée une partie importante de la forêt seigneuriale comprenant le Pech Redon (ou de la Garde) et le versant nord du Pech du Comté avec ses bois de hautes futaies.
Il va s'en dire que pour les "gavatxos" (ceux qui payent la gabelle), ainsi nommés par les roussillonnais, une certaine rancoeur allait naître, tant à Fitou qu'à Leucate. Malgré tout, ces deux places fortes étaient conservées, prêtes à défendre le territoire et seront d'ailleurs appelées à jouer un rôle capital par la suite.
Le procès en révision de frontière
LES CONFLITS AVEC L'ESPAGNE
La campagne de 1503
En 1503, le roi Louis XII avait envoyé une armée en Languedoc sous les ordres des maréchaux De Rieux et De Gié. Le maréchal De Rieux s'avança donc vers Narbonne à la fin du mois d'août 1503 dans le but d'entreprendre le siège de Salses. Il vint camper à Lapalme et investit la ville de Salses le 10 septembre en effectuant le siège
Ferdinand roi d'Espagne envoya Frédéric de Tolède, duc d'Albe qui vint camper à Rivesaltes. Le roi Ferdinand accourut lui-même à Perpignan avec son armée. Le maréchal De Rieux, se voyant inférieur en nombre, prit le parti de lever le siège et de se retirer. Le Duc d'Albe harcela son arrière garde pendant plusieurs lieux. Il assiégea Leucate le 28 octobre 1503. La garnison qui n'était pas en état de résister fut obligée de capituler.
Cette conquête fut suivie par celle de Fitou, Lapalme, Sigean, Treilles, Roquefort et autres châteaux bourgs et villages proches.
Les "Ginets" d'Espagne mirent le feu à Fitou et à la plupart de ces lieux. Ils exercèrent partout des ravages affreux et se constituèrent un grand butin. La ville de Narbonne fut seule capable de stopper la course des espagnols qui n'osèrent entreprendre davantage.
Les rois de France et d'Espagne convinrent d'une trêve de cinq mois prolongée ensuite pour trois ans, suivie en 1505 d'un traité de paix. En 1508, sous le règne de Louis XII, le vicomté de Narbonne fut définitivement réuni au domaine royal.
La Trêve de 1536
En 1536 au cours de la guerre entre François premier et Charles Quint, ce dernier tenta de s'emparer de la Provence et du Languedoc, tandis qu'il faisait attaquer les frontières de cette province vers le Roussillon. Les espagnols se séparèrent en deux armées. L'une entra par Salses et Fitou, en faisant de gros dégâts jusqu'à Narbonne. L'autre après avoir brûlé Saint- Paul-de-Fenouillède se dirigea vers Carcassonne.
Le Grand-Maître de Montmorency, gouverneur de la province donna de si bons ordres que les espagnols qui avaient faits une incursion sur la côte furent obligés de rembarquer et que ceux qui étaient entré par les terres furent repoussés avec perte.
Le roi François premier et l'empereur Charles V négocièrent une première trêve à Leucate. Les négociations continuèrent aux Cabanes-de-Fitou où une trêve définitive fut signée le 15 janvier 1536. Le Grand-Maître de Montmorency reçut aux Cabanes-de-Fitou la charge de Connétable.
Le dernier conflit 1634-1640
La trêve dura presque un siècle. Mais, en 1634, le Cardinal de Richelieu envisagea de rendre à la France les frontières dessinées par la nature et de les rétablir partout où se trouvait l'ancienne Gaule (Les Pyrénées et les Albères). Il déclara donc la guerre à l'Espagne le 19 mai 1635.
Les espagnols possédaient le fort de Salses à l'entrée du Roussilllon, alors que la France de son côté occupait celui de Leucate. Ce dernier qui à cette époque était plus riche de gloire et de souvenirs que de remparts, canons ou défenseurs. Il évoquait à peine le souvenir des époques de gloire où les envoyés de Charles Quint et de François premier étalaient dans son enceinte, la splendeur de leurs premières entrevues poursuivies ensuite aux Cabanes-de-Fitou. De la défense héroïque de François de Cezelli, il était resté meurtri, démantelé, presque en ruine. Aussi les espagnols escomptaient prendre Leucate en six jours avant de se lancer à l'assaut de Narbonne.
Donc, le 29 août 1637 les espagnols avancent en deux colonnes. La première commandée par Mortara vient de Claira par la plage. La seconde commandée par Serbellon, arrive de Salses par le "Malpas", avec 12000 fantassins, tambour battant, enseignes au vent. Cette dernière prend les cabanes de Fitou, le village de Fitou, son château, puis Truilhas et enfin Lapalme qui malgré ses murailles capitule dès la première sommation. Attaqué le 20 août 1637, le château de Roquefort résiste deux jours jusqu'à épuisement de ses munitions.
Par la mer, dont elles sont maîtresses, les galères castillanes viennent passer le cap Leucate et mouiller dans la baie de La Franqui convoyant barques et brigantines d'où sera débarquée l'artillerie, comprenant 32 canons.
Leucate est investie le 2 septembre 1637. Les espagnols construisent deux forts sur les hauteurs des environs. De Barri ayant rejeté les offres de reddition qui lui furent faites par Serbellon, le tir de l'artillerie commença.
Les secours s'organisèrent du côté français. Le 23 septembre 1637, Halluin reprend Lapalme, puis les Cabanes et le 28 au coucher du jour, le plateau de Leucate est attaqué par surprise. Le lendemain les espagnols se retirent, laissant de nombreux prisonniers. Les pertes espagnoles s'élèvent à 3500 hommes.
Richelieu prescrivit la continuation de la lutte et la prise de la place de Salses. Les préparatifs finis, une armée commandée par Espenan arriva à Sigean le 8 juin 1639, puis le 9 à Lapalme. Pour couvrir l'armée sur son flanc droit, une attaque est exécutée sur le château d'Opoul qui capitule. Le 16 juillet 1639, c'est au tour de Salses de se rendre.
Perpignan pris, le Cardinal de Richelieu donne ordre de continuer la lutte par le Confluent et la Cerdagne. Les mésententes dans le commandement français entraînent malheureusement des retards. Les espagnols ont le temps de préparer une contre-offensive qui oblige l'armée française à la retraite. Le château de Salses, maintenant occupé par les français, résiste en attendant les renforts. L'Armée de secours quitte les Cabanes de Lapalme et se dirige vers Fitou. Elle est forte de 22000 fantassins et 4000 cavaliers répartis en trois brigades.
Après Fitou, le gros des troupes déborde sur la droite et par les collines marche vers le château de Salses. Des orages incessants et un mauvais temps effroyable transforment cette marche en déroute. Un nouveau rassemblement de l'Armée se fait aux Cabanes de Lapalme le 31 octobre 1639. Les premières gardes occupent les "gypseries" de Fitou au sud-ouest du village. Attaquant à nouveau l'armée espagnole à Salses, les français sont encore obligés de se retirer poursuivis par l'ennemi en passant par Fitou et jusqu'aux cabanes de Lapalme. Le 6 janvier 1640, Espanan capitule au château de Salses.
Le 4 décembre 1642 Richelieu meurt à l'âge de 57 ans. Mazarin, son successeur, poursuit la politique commencée. La guerre se déroule sur d'autres frontières. Des négociations de paix définitives commencent à Paris et se poursuivent sur les bords de la Bidassoa, dans l'île des Faisans. Le traité des Pyrénées y est signé le 7 novembre 1659. La cession du Roussillon et de la Cerdagne est complète. La ligne de faîte des Pyrénées forme une frontière régulière et naturelle.
FITOU ET LA REVOLUTION FRANCAISE
Dans la commune de Fitou la Révolution et son évolution ont été diversement accueillies. En général, les nouvelles venant de Paris sur les principaux événements révolutionnaires, n'y ont pas de grande retentissements. Si les administrateurs comprennent les enjeux, les communes et la masse des habitants y sont indifférents. Aussi, les mesures prises sur Paris demeurent d'une exécution difficile. Ce n'est en aucun cas de la réticence ou de la froidure, mais exclusivement une réelle indifférence. En fait, on subit les événements.
En 1789, Jean Ayrolles premier Consul et Jean-Charles Vidal sont élus comme députés du Tiers-Etat de la communauté de Fitou pour porter le cahier de doléances, plaintes et remontrances de ladite communauté à l'assemblée de Limoux. A cette période, la famille d'Aragon avait déjà quitté le village. Elisabeth et Isabelle s'étaient installées à Narbonne.
Malgré tout, les sentiments de civisme de la population ont été affirmés à diverses reprises. Ainsi, le curé Jean-François Boulanger prêta serment de civisme comme en témoigne des extraits de procès-verbaux :
« Aujourd'hui décadi brumaire, deuxième de la République, une et indivisible dans la maison commune de Fitou.....
Le sieur Antoine Vignon, maire a dit que conformément au décret de la convention nationale, tout fonctionnaire étant tenu d'être muni d'un certificat de civisme, il a été accordé un certificat de civisme à : Jean-François Boulanger, curé – Jean Crillet et Raymond Béziers, lieutenants des Douanes – Bernard Mas, Joseph Vassoul, Antoine Bazi et Pierre Roquefort, tous préposés des Douanes de la République en résidence dans cette commune – Jean Dhers et Jérôme Abélanet. »
« L'an 1792, l'an 4 de la liberté et de l'égalité, le 23 septembre.......
Jérôme Abélanet, maire dit que l'assemblée nationale a décrété que tous les fonctionnaires publics, les conseils généraux des communes, seront tenus de prêter serment et d'être fidèle à la nation et de maintenir de tout leur pouvoir la liberté et l'égalité et de mourir à leur poste. Tout français recevant traitement ou pension serait censé irrévocablement y renoncer, s'il ne justifiait pas dans la huitaine de la publication dudit décret, qu'il a prêté serment devant la municipalité du lieu de son domicile. Le maire a invité les susnommés à prêter ledit serment, après l'avoir prêté lui-même. Tous les autres l'ont porté individuellement et de suite le sieur Jean-François Boulanger, curé dudit lieu étant invité à prêter serment dans les mêmes termes du décret, duquel serment nous lui avons donné acte. »
D'autres directives étatiques furent appliquées sur Fitou, comme par exemple celle de la "réquisition des cuivres" :
"aujourd'hui quatre Brumaire, 2ème de la République Française...
En conformité avec l'arrêté du département de l'Aude... il est ordonné de rassembler les cuivres, ouvrés ou non, qui sont dans les églises ou que possèdent les citoyens, leurs administrés , sauf à leur laisser pour chaque ménage un seau, deux flambeaux, une lampe appelée "calel", deux chaudrons, leur déclarant que les objets remis devront être pesés et payés... ordonne aussi la descente des cloches à l'exception d'une que les communes sont autorisées à garder".
Bien qu'appliquées, ces mesures entraînaient systématiquement la fraude. De fait, les populations étaient influencées par diverses "craintes" ou "menaces". L'exemple le plus frappant est celui de la peur de la disette des grains ; de nombreux achats clandestins étaient faits , souvent à des prix prohibitifs ; par ailleurs les grains étaient cachés dans des silos clandestins dissimulés dans les campagnes aux alentours des villages.
De plus, dès 1791 était apparu le spectre d'une nouvelle guerre avec l'Espagne et le 23 septembre 1792 la Convention avait décrété l'envoi de Commissaires, pris en son sein, pour se rendre dans les Pyrénées en vue de préparer la "Défense Nationale".
C'est ainsi qu'un Corps de Troupes est organisé dans ce secteur avec des soldats venant de l'Aude, du Tarn, du Roussillon et de l'Hérault. Un comité civil et militaire est même créé à Narbonne le 24 avril 1793. Il doit assurer le ravitaillement de l'Armée qui vivra sur le Pays. Ce comité est aussi chargé de la logistique et de l'acheminement de ces troupes. Le mauvais état des routes oblige ce Comité à en améliorer la viabilité. Dès janvier 1793 la population de Fitou est réquisitionnée pour aider aux travaux. Mais celle-ci refuse d'obéir. Il faut que le Comité menace les autorités municipales de représailles.
La guerre sévissant dans le Roussillon et durant, les corps de troupes connaîtront une augmentation sensible dès frimaire pour porter les effectifs à 47800 hommes. Les fitounais durent répondre à l'appel aux armes:
« Aujourd'hui, 1er avril 1793.......
Après avoir exprimé la nécessité de voler à la défense de la Patrie et d'opposer une force respectable aux postes coalisés contre la liberté et l'indépendance nationale, le Conseil arrête de faire un fonds de la somme de 1500 livres à répartir sur les volontaires déjà inscrits et qui partiront pour la défense de la Patrie. Le citoyen Roch Benoit a offert de donner un assignat de 50 livres, ainsi que le citoyen Joseph Ayrolles. Et procédant à l'appel des volontaires :
- Vic, Barthélémy, 20 ans
- Murat, Jean-Pierre, 21 ans,
- Boyer, Joseph, 22 ans
- Saint-Martin, François, 17 ans
- Crambes, Jean, 21 ans
- Ayrolles, Antoine, 20 ans
- Azeau, Pierre, 23 ans
- Azeau, Louis, 54 ans
- Miquel, Jean, 40 ans
- Gely, François, 32 ans
- Milhet, Guillaume, 22 ans
- Auzoulat, Joseph, 28 ans
- Martin, Louis, 17 ans
- Deloupy, Antoine, 25 ans
- Mailhac, François, 17 ans
- Gely, Jérôme, 24 ans
- Soucaille, Jean-Louis, 34 ans
- Gely, Pierre, 20 ans
- Belissent, Benoît, 30 ans
- Balart, Louis-Nicolas, 34 ans
- Fabre, Guillaume, 31 ans
- Antoine, Louis, 19 ans
- Civella, Batista, 17 ans
- Gibaud, François, 23 ans
- Abélanet, Joseph, Maître des Postes, sous-adjudant de la Légion de la Garde Nationale, 24 ans....
Et attendu qu'il nous a été attesté de leur civisme, nous les avons admis et reçus à servir en la qualité de volontaire à la charge par eux de se présenter dans un délai de huitaine par devant le Directoire du district de Narbonne à l'effet d'y recevoir leur route pour être incorporé dans le 5ème Bataillon de l'Aude. »
DIRECTOIRE - CONSULAT - EMPIRE
A l'avènement du Directoire, au Consulat, à la proclamation de l'empire, Fitou se rallie à Napoléon et, lorsque le 2 septembre 1808 le sous-préfet de Narbonne prévient d'une incursion sur la côte est à craindre, le conseil municipal et le maire Barrier Fabien, décident l'achat de trente fusils pour armer les habitants et les mettre en état de défense.
Les sentiments de la population sont affirmés par les fêtes du couronnement :
« L'an 1812, le septième jour du mois de décembre, nous Gauffre Pierre, maire de la commune de Fitou, avons célébré hier la fête du couronnement de sa majesté l'empereur et roi avec toute la pompe qui nous a été possible et selon que les localités du lieu ont pu le permettre.
La fête fut annoncé la veille par le son des cloches. Le jour de la fête pour la célébrer d'une manière plus solennelle et plus conforme à nos sentiments religieux et à ceux de nos administrés. Nous nous sommes rendus à 10 heures du matin à la salle de la maison commune accompagné de notre adjoint, où se sont réunis les membres du Conseil municipal et la garde nationale sans les armes commandée par le capitaine. A dix heures et demi le cortège est parti de la maison commune et s'est rendu à l'église, pour assister à une messe solennelle, après laquelle le cortège s'est retiré dans le même ordre. A trois heures après midi, nous nous sommes réunis de nouveau de la même manière que le matin. A cette réunion s'étaient joints M. Le Principal employé au bureau des Douanes Impériales en poste à Fitou, ainsi qu'un détachement de préposés dudit poste. A trois heures et demi le cortège s'est rendu à l'église pour assister aux Vêpres et au Té Déeum qui a été précédé d'un discours véhément par lequel le ministre du culte a voulu ranimer en nous les sentiments d'amour, de respect d'admiration et de dévouement et de reconnaissance dont il est lui-même animé pour notre Auguste souverain et la plus grande horreur pour tous les conspirateurs, quels qu'ils soient, surtout contre ceux qui viennent d'expier leur crime d'une manière exemplaire. Après la cérémonie, comme il était déjà nuit, nous nous somme rendus au lieu préposé pour le feu de joie que nous maire avons allumé aux cris mille fois répétés de « Vive l'empereur, vive l'impératrice, vive le Roi de Rome ». La fête s'est terminée par un bal gratuit. »
A la première abdication de Napoléon 1er, son départ pour l'île d'Elbe et première Restauration, Fitou se déclare pour le Roi Louis XVIII :
« L'an 1814, dix-septième jour du mois d'avril, le Conseil municipal réuni par monsieur Gauffre Pierre, Maire, nous déclarons adhérer aux actes du Gouvernement provisoire et du Sénat, relatifs au rétablissement de Louis XVIII sur le trône de France. A 9 heures, le maire et son adjoint accompagnés des membres du Conseil municipal portant tous la cocarde blanche se sont rendus sur la place de la commune où le secrétaire a fait lecture de la proclamation relative au rappel au trône de France du Frère de Louis XVI, notre dernier roi ; des cris « vive le Roi Louis XVII » plusieurs fois réitérés ont fait connaître la joie du peuple de la commune. »
Ces sentiments pour Louis XVIII ne durèrent pas, et au retour de Napoléon de l'ïle d'Elbe, la commune prête serment de fidélité à l'empereur : "L'an 1815, 28ème jour du mois d'avril, nous Pierre Gauffre, maire, avons réuni le Conseil Municipal aux fins de prêter serment de fidélité à sa majesté l'Empereur : " je jure obéissance aux constitutions de l'Empire et fidélité à l'Empereur".
LE SECOND EMPIRE ET LE IIIeme EMPIRE
Les sentiments royalistes de Fitou fléchirent lorsqu' apparut le second empire. Dans la séance du Conseil municipal du 13 juin 1852 Antoine Gauffre, maire écrivait : "la commune de Fitou se rallie au Prince président à qui elle envoie l'hommage de son respect et de toute son admiration".
Et dans sa séance du 16 janvier 1853, Gauffre Antoine en tant que maire, adresse une motion de félicitations et de voeux à sa majesté Napoléon III.
La guerre de 1870 appela les jeunes fitounais aux armées. A la chute de l'empire, la commune devint républicaine, mais après des années de prospérité, le village allait connaître des crises financières redoutables.
LE XXeme SIECLE
Durant la guerre de 14/18, nombreux furent les enfants de Fitou qui répondirent à l'appel de la Patrie. Sur la Somme, dans l'Aisne, à Verdun, en Orient, les fitounais furent présents. Certains plusieurs fois blessés. D'autres sans blessures, sans maladie, et ce ne furent pas les moins méritants accomplirent cinq années de tranchées, d'attaques,connurent les privations et les souffrances. Vingt quatre payèrent de leur vie le sacrifice fait à la France.
Un monument aux morts victimes de la guerre a été construit par Robert, entrepreneur à Lapalme, pour la somme de 10 500 Francs, plus 2500 francs pour le cordon de pierres de taille servant à soutenir la grille de fer forgé, avec fourniture de la grille elle-même.
Une souscription faite en l'objet dans la commune avait produit 4500 francs.
Le monument a été inauguré le 1er septembre 1922, monsieur Saulières étant maire, en présence du Préfet, de deux députés et d'une grande affluence. Michel Ayrolles a prononcé le discours d'inauguration.
En 1944 Fitou a connu l'occupation par les troupes allemandes. Ils y avaient installés des bunkers avec pièces d'artillerie sur la commune. Il apparait que c'était la Compagnie 8 du Bat. II / 991 qui était stationnée à Fitou. Il s'agissait d'une compagnie d'appui, équipée de 12 SMG (mitrailleuses lourdes) et de 5 mortiers de 81. On retrouve des vestiges d'un bunker à la sortie du village à gauche du chemin du Vigné, mais aussi un autre sur la colline de Pédros. Il y a aussi des vestiges sur la presqu'ile. En fait il n'y avait que des emplacements individuels pour les mortiers et SMG ( le bois de pins n'existait pas). Les habitants des lieux se rappellent que dans leur jeunesse, après la guerre, il s'amusaient dans ces trous qui étaient trés profonds, et trouvaient même parfois des "grenades à ailettes". Il devait s'agir d'obus de mortier d'exercice, car il n'y a eu aucun combat dans cette zone.
Canon de 155 mm C 17 abandonné par les troupes allemandes en retraite en aout 1944 sur la RN9 aux Cabanes du Fitou.