" HISTOIRE DE FITOU "
LES CAPITELLES
Les différentes interprétations, et l'imperfection des données proposées concernant les constructions en pierre sèche se retrouvent dans des vastes ensembles comme dans l'Aude et notamment à Fitou, mais aussi dans toute la France sous des formes variées. Les sites qui nous intéressent sont ceux qui se trouvent en bordure des Corbières sur des terrains calcaires. Il s'agit le plus souvent d'enclos entourés de murs tirés au cordeau, parementés sur une ou deux face, retenant et enserrant du cailloutis sur lequel on peut circuler. Ils comportent souvent un cloisonnement intérieur, parfois des contre-murs et aussi des abris simples ou sous forme de cabanes appelées "capitelles". Vous pouvez voir la carte et quelques photos de capitelles fitounaises en cliquant sur le lien ci-après : https://dl.dropbox.com/u/40568236/Capitelles.html
A Fitou, où chaque famille avait autrefois son troupeau, les enclos étaient de maigres pâtures plantées en luzerne où l'on mettait le bétail. De ce fait l'expression de "parc à bestiaux" et son équivalent catalan "corral" ou "cortal" ou "courtal" semblent justifiés au plan de la fonction, sans que cela soit attesté localement. Par la suite, s'adaptant à ce qui se faisait ailleurs, certains de ces enclos ont été plantés en vignes, voire par des plantations d'oliviers et parfois d'amandiers.
Certains auteurs, passant outre la vocation d'enclos de culture et de pâture, y ont vu l'idée d'une "vaste organisation de transhumance" d'origine médiévale. Les sites devenant ainsi un lieu de triage, un gîte d'étape pour les troupeaux organisés par les grandes abbayes audoises, Lagrasse et Fonfroide, suzeraines la première du fief d'Estagel et la seconde de celui de Fitou. Dans cette vision purement pastorale, les enclos et constructions en pierres sèches situées sur les itinéraires de transhumance se retrouvent systématiquement reliés à ces derniers et présentés, par le jeu d'une association mentale, comme autant de preuves relatives au travail de la pierre. Cette optique, bien que séduisante n'est malheureusement pas fondée, ni au plan des documents anciens, ni au cadastre, la tradition orale, ni quant à la morphologie des ouvrages concernés, ni enfin au plan de la simple rationalité propre à la transhumance.
Par contre, les vastes murs, enclos et capitelles, étant donné la masse des matériaux qui y est accumulée, sont nécessairement le fruit de l'épierrement des parcelles qu'ils entourent par les gens qui les exploitaient.On imagine mal tout ce matériau apporté à pied d'oeuvre par des bergers, et cela d'autant plus que l'on est en terrain calcaire et comme tel voué à l'épierrement dès que l'on envisage la moindre culture. La simple distinction qui est opérée entre murs d'épierrements où les cailloux sont jetés et les murs de transhumants où les pierres sont posées une à une ne résiste pas à l'analyse.
Il est reconnu que quand les hommes d'antan voulaient mettre en culture une terre ingrate jusqu'alors restée sauvage, ils commençaient par enlever la végétation, puis les grosses pierres avant de finir par les petites. Ce terrible travail était le quotidien des paysans. Les tas de cailloux ainsi constitués étaient triés pour servir à la construction de murs ou cabanes de pierres sèches. Encore de nos jours, les viticulteurs assurent l'épierrement et les utilisent pour la restauration des "édifices" existants. Et puis n'oublions pas qu'à l'époque Fitou était plus boisée et l'importance des vents dominants n'était pas à négliger.
Ce qui est significatif à Fitou, outre ces enclos de pierres, c'est la multitude de "capitelles"; il y en a plus de cent. Uniquement construites avec des pierres du coin, empilées savamment l'une sur l'autre sans aucun liant, ni autres matériaux. A la fois élégantes et solides, leur toit se caractérise par une absence de charpente. Il s'agit d'un dôme, la plupart du temps composé de pierres plates disposées en encorbellement. La porte surmontée s'ouvre généralement au midi. Cette technique fait appel à un savoir faire ancestral. Ces capitelles avaient pour vocation d'abriter le berger des intempéries, de ranger les outils agricoles, de tout simplement soustraire les boissons et provisions de l'accablant soleil méridional. Elles pouvaient servir de lieu de repos, car nombre d'entre elles comportent des banquettes, un quelconque feuillage pouvant servir de matelas au paysan harassé par la besogne. Fort heureusement, ces vestiges d'un passé révolu sont situés dans des zones isolées en pleine garrigue et certains habitants,comme Marceau Gaichet,se sont intéressés à réhabiliter ce patrimoine fitounais avec passion et compétence.
Cartographie de quelques unes des capitelles (cliquez image pour voir)