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L'ASSASSINAT DE BARRIER

Pierre  Antoine Barrier,  âgé  de  64  ans,  propriétaire économe, capitaliste bienfaisant, atteint   de  surdité, bon jusqu'à     la faiblesse et très simple     d'esprit, occupait   avec  sa  vieille  mère  et  sa  domestique une grande maison dans  Fitou. Cette domestique, Marceline Mestre née le 4 juin 1809 à Dernacueillette, canton  de Mouthoumet (11), était  sa maîtresse.

L'entrée de la maison  se situait  au midi, ouvrant  sur une  cuisine au  fond  de  laquelle existait  un  escalier qui  conduisait  à  l'étage   supérieur, avec  à  côté  un salon. A l'étage, se trouvaient la chambre  de madame Barrier,  celle  de  monsieur Barrier  séparée  par  une mince  cloison de  la  chambre  du  berger  Devolontat d'un  côté  et  de  l'autre  la  chambre  à coucher de  la domestique séparée  également par une  fine  cloison de la cuisine du berger Pla.

Le 15 décembre 1855  vers 10 heures  du soir Barrier, sa mère  et sa domestique montent se coucher après avoir fermé toutes  les ouvertures du rez-de-chaussée. Le  16, vers 1 heure  du  matin,  les  cris  de  Marceline Mestre  donnent l'alarme.  Le  berger  Devolontat, au service  de Barrier, et sa femme  arrivent  les premiers. Il sont  rapidement suivis par l'adjoint au maire Jean Gely, le garde-champêtre Andrieu, le curé Jean Loubatières et  le  maire  Esprit  Abelanet beau  frère de Barrier.

A une  heure  et  demi  le  cadavre  de  Barrier  Pierre Antoine est froid. Il porte de nombreuses blessures faites avec un couteau ayant une lame d'une largeur  de  trois  centimètres et  d'une  longueur de quinze  centimètres. Sept  blessures sont  mortelles. On remarque une plaie large et      profonde au dessous   du  sein  gauche, plusieurs  sur  les  flancs, une  dans  le dos  de la main  gauche  et une  autre  à l'intérieur de  la main  droite.  Le  cadavre  placé  au centre  du lit a la tête  nue  et les  pieds  pendent au dehors du lit. On remarque enfin dans les couvertures  et  les   draps   de  lits   de  nombreuses entailles faites avec le même couteau.    

Il est probable  que Barrier a été assassiné entre  11 heures   du  soir  et  minuit. Il  a  reçu  la  première blessure au sein  gauche  pendant son  sommeil. Ce premier  coup  n'ayant  pas entraîné immédiatement la mort, il s'est établi une lutte entre  l'assassin et la victime.  C'est  au  cours  de  celle-ci que  Barrier  a saisi  avec  la main  droite  la lame  du  couteau. Il a aussi  fait  des  efforts  pour  parer  les  autres  coups mais en vain.

Une des fenêtres du  rez-de-chaussée présente des traces  d'effraction et  à quelques pas,  dans  la  rue, on trouve  un bâton,  un soc de charrue,  le fer d'un aiguillon de  bouvier  et  la partie  supérieure d'une lampe.

Ces instruments déposés avec affectation, constituent manifestement une  mise  en  scène.  Seul, le  berger  Devolontat  a  entendu des  bruits  sourds, puis  une  chute   d'objet;  celle   d'une   lampe  à  huile tombée  au cours  de  la lutte.  Une  somme  de  1000  à 1200  francs  en or et argent  plus une  somme  de cent francs en numéraire ont disparu de la commode.

Le sieur Polycarpe  rencontre le 15 décembre vers 10 heures   et   demi   du   soir,   trois   individus  suspects, inconnus de lui et qui lui disent  en espagnol : "passe ton  chemin".  Le  nommé  Azam,  ce  même  jour  vers onze  heures   du  soir,  voit  deux  hommes immobiles devant la maison  de Barrier.

A une  heure  du matin,  le 16  décembre, le sieur Vic entend le  bruit  d'une  porte  que  l'on  ferme  dans  la direction de la maison  Barrier et voit cinq  individus fuyant   avec  précipitation. Vers  la  même   heure,   le sieur Sireilles voit quatre ou cinq hommes s'éloigner dans la rue.

Quelques hésitations au début  de l'enquête font privilégier la thèse d'un crime politique. Mais, rapidement  la  conduite  de  Marceline  Mestre  finit par attirer l'attention de la justice :

-" elle était entièrement vêtue lorsqu'elle donna l'alarme ; aucune émotion de sa part, pas un pleur, se contentant simplement de répéter 'oh! Quel malheur' .

- Elle  demanda  à une  femme  du village  de laver du linge  de corps lui appartenant. Il était taché  de sang. La personne refusa et alerta les gendarmes. Ces vêtements  portaient  du  sang   d'une   personne  qui avait été frôlée; une trace de main à l'épaule, la trace d'un couteau correspondant aux dimensions de l'arme du crime comme  si on l' avait essuyé.

- Les contradictions dans ses déclarations sur sa conduite au moment du crime, une égratignure sur la joue gauche  sont autant  d'éléments à charge.

- A cela s'ajoute le fait qu'elle  avait été vue parlant  à un individu dont elle refusera toujours de donner l'identité.

-  Et enfin, le  mobile   existe  par  le  fait  de  l'intérêt financier que représentait pour elle la mort de Barrier".

En effet,  Barrier avait déshérité son  neveu Abelanet et rédigé  un testament en faveur de Mlle Salvagnac, légataire universelle, constituant au profit de Marceline Mestre  une  rente  viagère  de  400  francs par an. Revenant  à de  meilleurs égards  vis à vis de son  neveu, Barrier voulait refaire son testament et annuler les dispositions concernant la rente en faveur de Marceline.

Il  s'était   informé   de  la  venue   de  maître   Jalabert notaire  à Sigean qui devait donc se rendre à Fitou  le 23  décembre. Marceline ne  l'ignorait pas.  De  plus, elle   connaissait  la   perte   de   l'affectation  de   son amant  à son encontre, les changements qu'il voulait apporter  et son prochain renvoie.

Marceline Mestre fut donc  inculpée. Malgré tout  les véritables  malfaiteurs sont  toujours  restés  inconnus. Le  sieur  Jérôme  Ayrolles  habitant de  la  commune de Fitou  né le 9 août  1814,  essayant  de disculper la domestique, déclara  à la justice  que  l'assassinat de Barrier  avait  été  commis   par  les  membres   d'une société secrète  et désigna  comme  l'un des meurtriers Prosper   Idrac.   L'enquête  établit   que   ce   dernier n'avait  pas quitté  la commune de Névian  où il était domicilié. Jérôme  Ayrolles   fut  à  son  tour  inculpé, mais bénéficia par la suite  d'un  non  lieu.  Marceline Mestre   est   donc   comparue   seule   devant   la  Cour d'Assises de l'Aude, comme  accusée  d'assassinat.

Les séances eurent  lieu  du 5 au 9 juin 1856.  Le jury a  rendu   un  verdict aux termes  duquel  Marceline Mestre a été reconnue coupable de complicité d'assassinat sur  Barrier,  tout  en  lui  accordant   des circonstances atténuantes. Elle a été condamnée à la peine de travaux à  perpétuité. Elle est décédée quelques  années plus tard à la prison centrale de Montpellier.  

Enquête en Fitounie

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